Dans une tribune politique percutante, le député national Patrick Matata Makalamba a tiré la sonnette d’alarme sur la situation préoccupante de la gouvernance en RDC.
Selon l’élu de Kisangani, des études démontrent clairement que la qualité de la gouvernance et le développement du capital humain sont des leviers essentiels pour favoriser la croissance économique et le bien-être collectif. Il appelle ainsi à un changement de mentalités et de comportements, soulignant que les 100 premiers jours du gouvernement Suminwa n’ont pas su incarner cette dynamique de changement tant attendue. En effet, la structure gouvernementale, jugée traditionnelle et peu innovante, s’accompagne d’une stagnation inquiétante dans des secteurs clés tels que l’agriculture, l’économie et les infrastructures. Face à un immobilisme flagrant, le député déplore l’absence de mesures concrètes pour améliorer la situation sociale des Congolais, notamment en matière d’emploi et de lutte contre les inégalités. Patrick Matata Makalamba appelle donc à une véritable prise de conscience et à des actions concrètes pour redresser le cap et offrir au peuple congolais l’espoir d’un avenir meilleur. Ci-dessous, la Tribune du député national Patrick Matata Makalamba
REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
Assemblée nationale
4ième Législature de la 3ième République
Honorable MATATA MAKALAMBA Patrick DEPUTE NATIONAL ELU DE KISANGANI/TSHOPO Tél. : +243 810198083
Kinshasa, le 20 septembre 2024
TRIBUNE POLITIQUE N° RDC/AN/DN/MMPAT/001/2024
- MISE EN CONTEXTE
Beaucoup d’études sur la République Démocratique du Congo démontrent que la qualité de la gouvernance et celle du capital humain impactent négativement la croissance économique et, par ricochet, le bien-être collectif. Dès lors, tout gouvernement sérieux et soucieux du bonheur des Congolais devrait s’atteler à améliorer la qualité de la gouvernance et à s’investir à changer le Congolais.
En effet, sans changement de paradigmes, de mentalités et de comportements, le progrès social est fatalement impossible.
Les 100 premiers jours du gouvernement SUMINWA n’ont pas fait rêver tant aucune énergie de changement global n’a émergé.
Pour commencer, la structure du gouvernement est tout à fait traditionnelle et similaire à tous ceux qui l’ont précédé. On y trouve des ministères dupliqués, démembrés, dépouillés, superposés et, pour certains, sans clarification de contenu. Les secteurs clés tels que les infrastructures, le plan, l’économie, l’agriculture, l’énergie et les transports, dont on devrait attendre une mise en branle rapide, ont révélé un immobilisme pathétique. Certains ministères régaliens n’ont pas hésité de briller dans les élucubrations et incantations dignes des pièces de « théâtre de chez nous » de l’époque du Zaïre.
Au vu de son incapacité à démarrer et à prendre l’élan, ce gouvernement n’est manifestement pas celui qui donnera corps et mouvement à la vision salutaire du Chef de l’État pour le peuple congolais au cours de son second mandat.
Dans les lignes qui suivent, quelques points tentent d’en esquisser la photographie et la cinétique.
« DEUX SUR VINGT » LE GOUVERNEMENT SUMINWA A L’AUNE DE SES CENT PREMIERS JOURS
- EVALUATION DES SECTEURS CLES
Dans son programme d’actions adopté le 11 juin 2024 par l’Assemblée nationale, la Première Ministre avait axé son action sur des piliers précis ci-après :
Pilier I. Créer plus d’emplois et protéger le pouvoir d’achat
Pilier II. Protéger le territoire national et sécuriser les personnes et leurs biens
Pilier III. Aménager le territoire national en vue d’une connectivité maximale
Pilier IV. Garantir l’accès aux services sociaux de base
Pilier V. Renforcer l’efficacité des services publics
Pilier VI. Gérer durablement et de manière responsable l’écosystème de la RDC face aux changements climatique.
Au bout de cents premiers jours, l’heure est venue de faire le point sur l’allure que prend l’exécution de chacun de ces six piliers :
PILIER I. CREER PLUS D’EMPLOIS ET PROTEGER LE POUVOIR D’ACHAT
Positionner l’emploi comme premier pilier était l’une des raisons pour lesquelles beaucoup de députés avaient voté pour ce programme. Au cours de 100 jours passés, aucune mesure concrète n’a été prise pour améliorer la situation sociale du peuple congolais. Les secteurs créateurs d’emplois n’ont bénéficié d’aucun plan de mise en œuvre rapide et coordonnée. En outre, la flambée constante des prix des biens de première nécessité a davantage nuit au pouvoir d’achat du peuple congolais qu’il ne l’a protégé.
En termes de gouvernance budgétaire, notre budget n’a été en hausse que pour nourrir davantage les inégalités sociales. Si, en effet, la mobilisation des recettes se porte plutôt bien, personne ne sait où elles sont consommées. La qualité de la dépense publique est rationnellement à questionner. Les professeurs d’universités, les enseignants du primaire et du secondaire, les magistrats, les médecins, etc. s’interrogent sur leur place dans l’embellie tant vantée.
Par ailleurs, il n’est point besoin de rappeler que l’agriculture est non seulement un secteur auto-générateur d’emplois mais surtout un facteur essentiel à la croissance économique. Elle est, dans beaucoup de pays comme la RDC, la première garantie de l’amélioration du pouvoir d’achat des citoyens, surtout dans la phase embryonnaire du développement, et la base de toute civilisation. La RDC, qui a deux facteurs de production abondants, la forte démographie (4è en Afrique après le Nigéria, l’Egypte et l’Ethiopie) et la terre arable, avait tout intérêt à investir dans l’agriculture. En fait, il n’y a d’avenir collectif heureux que dans l’essor de l’agriculture dans tous nos villages. De nombreuses préconisations internationales, dont l’accord de Maputo, vont dans ce sens. Au-delà des slogans qui proclament l’agriculture comme priorité des priorités, rien d’envergure n’a été fait ces 30 dernières années pour faire de l’agriculture congolaise un instrument de souveraineté alimentaire et de croissance économique. La revanche du sol sur le sous- sol repris du Chef par l’ancien gouvernement n’a connu aucun démarrage. Les paysans sont laissés à leur triste sort. Le gouvernement installé en juin 2024 avait la chance de prouver qu’il s’intéressait à l’agriculture en intervenant en amont de la saison agricole A dans la zone Sud et en préparant la saison A des zones Nord et Est.
A-t-on observé de l’énergie et du mouvement dans ce sens ? Difficile d’en trouver des traces.
On continue de courir derrière les « investisseurs euro-asiatiques » pour signer des MOU dont l’efficacité se limite à la qualité HD des photos de signature traitées par Photoshop destinées à la consommation des réseaux sociaux.
Pendant ce temps, les vrais investisseurs que sont les paysans et les petits entrepreneurs congolais sont complètement ignorés, pourtant ils constituent le socle sur lequel tout projet de développement rural devrait se poser.
Toutefois, si pour la saison A dans la zone Sud, notamment au Kasaï, il est devenu trop tard, au risque de gaspiller, une fois de plus nos ressources rares, le gouvernement peut se rattraper pour ce qui est de l’autre partie de la République.
A partir de quelles bases le gouvernement devait pouvoir créer plus d’emplois et garantir le pouvoir d’achat des congolais si l’agriculture est restée le parent pauvre de cent premiers jours du Gouvernement Suminwa ?
PILIER II. PROTEGER LE TERRITOIRE NATIONAL ET SECURISER LES PERSONNES ET LEURS BIENS
Le Président de la République, lors de sa réélection a promis de « faire de la République Démocratique du Congo un havre de paix et de sécurité ».
Il a ajouté : « Je m’engage à défendre notre territoire et mieux protéger notre population contre la criminalité, le banditisme armé et le terrorisme ».
En exécution de sa vision par le gouvernement, que constatons-nous ?
Dans les 100 premiers jours, la situation sécuritaire a maintenu son statu quo ante avec l’aggravation de la forte crise humanitaire. Les mesures prises se sont avérées inefficaces face à l’avancée des terroristes du M23/RDF qui occupent, contrôlent et exploitent des pans entiers des territoires de Masisi, Rutshuru et Nyiragongo au Nord Kivu. Leurs tentacules menacent aussi bien la Tshopo que le Sud-Kivu.
L’activisme des groupes armés s’est également intensifié dans la province de l’Ituri et dans l’Ouest du pays aux alentours de Kinshasa.
Tout cela pose la question de la défense et de l’administration du territoire ainsi que de la justice.
II.1. Secteurs de la défense, de l’administration du territoire, de la sécurité et de la justice :
Sans se réclamer de Max Weber, il est patent de constater que l’État congolais peine à revendiquer avec succès et pour son propre compte le monopole de la violence physique
légitime (M. Weber, Le savant et le politique, Paris, Plon, 1963 [1919]). Permettez-moi de m’étaler davantage là-dessus :
A. L’état de siège en panne :
En Ituri et au Nord-Kivu, l’état de siège, raisonnablement devenu impopulaire, a déçu toutes les bonnes attentes de la population. C’est sous les barbes galonnées que les collines, villages, secteurs/chefferies et territoires passent sous le contrôle, d’une part, du Rwanda et de l’Ouganda (plusieurs rapports en témoignent) et sous la coupe des milices épouvantables locales et étrangères, de l’autre. L’unique bilan fourni est l’augmentation accrue des recettes nationales et provinciales. La mission est accomplie ! Comment arrive-t-on à se vanter d’avoir levé plus d’impôt sur des populations déplacées, entassées dans des camps mal lotis et contraintes d’abandonner leurs activités agricoles, artisanales et commerciales ? Le gouvernement devrait davantage appuyer l’armée, contrôler et sanctionner les déviations, recourir au renseignement efficace et à la diplomatie discrète pour mettre fin à la guerre, qui n’a que trop duré, et aux mesures d’exception, qui s’installent durablement.
Dans le même registre et plus près du siège des institutions, dans plusieurs quartiers de la capitale Kinshasa prospèrent des gangs impitoyables appelés « Kuluna ». Ils tuent, blessent, ravissent et violent à volonté.
Avons-nous assisté à une action remarquable de la part de ce gouvernement ? Rien.
Ce regain de violence renforcé par son extension est la preuve que le gouvernement a le devoir d’opérer un diagnostic sérieux avant de mettre en œuvre des solutions idoines.
B. La criminalisation de la liberté d’expression : un retour aux vieilles méthodes dictatoriales ?
Si certains efforts sont à saluer dans le secteur de la justice et des droits humains, il s’est fait remarquer dans les cent premiers jours du Gouvernement Suminwa, un regain de la répression politiquement motivée à travers la criminalisation de la liberté d’expression dans des procès qui font passer notre pays pour un mauvais élève en matière des droits de l’homme. Sous peu, tous ceux qui affirment qu’il y a changement climatique ou que les routes de Kinshasa sont sales et dégradées risquent d’être poursuivis pour propagation de faux bruit. Cela constitue en en point douter un recul.
La justice étant grabataire du fait de l’insuffisance des moyens mis à sa possession et en raison de ses pratiques tant décriées (surpopulation carcérale, marchandage de la liberté, corruption, clientélisme, persistance des lieux de détention illégaux et clandestins), a plus besoin de l’appui du gouvernement, tout en garantissant la séparation des pouvoirs, et des réformes sérieuses au risque de devenir (si elle ne l’est pas déjà) un caillou dans le pied de l’Etat de droit dont l’érection est appelée de tous ses vœux par notre peuple.
PILIER III. AMENAGER LE TERRITOIRE NATIONAL EN VUE D’UNE CONNECTIVITE MAXIMALE
Le secteur de l’aménagement du territoire, des infrastructures et des transports est un véritable ventre mou de la gouvernance publique. Il apparaît tantôt comme l’image de la contre-performance généralisée tantôt comme le centre d’excellence de détournements des ressources publiques. Tous les fonds du gouvernement, des bailleurs étrangers et des établissements spécialisés mis en place pour construire et maintenir les routes en état de praticabilité n’ont rien produit de transformationnel. Et, les nouveaux signaux d’efficacité ne sont pas lumineux. Le pays demeure semi-enclavé en dépit des poses de premières pierres par-ci par-là.
Dans le cadre de la modernisation des infrastructures de transport et l’aménagement du territoire qui jouent un rôle essentiel dans la stimulation de la croissance économique, l’amélioration de la qualité de vie et la promotion du développement durable, aucun des axes ciblés par le gouvernement n’a connu des avancées majeures (voire Axes 3.1.1 et consorts de ce pilier).
Le pays n’a connu aucun investissement sérieux dans les infrastructures de transport. Les travaux d’urgence sont en berne, les réhabilitations des voies ferrées n’ont pas été lancées tel que prévu, la construction des ponts n’a pas été entamée, aucune route nationale n’est carrossable d’un bout à l’autre, le port en eau profonde de Banana est en pleine inertie. Que dire des ports modulaires qui ne savent à quel saint se vouer et des ouvrages hydrauliques déclenchés qui trainent les pas ?
En outre, depuis bientôt huit ans, tous les requérants du permis de conduire sont éconduits. Au-delà du manque à gagner que cela constitue pour le compte du trésor, la sécurité des usagers des routes est mise à mal.
Concernant le contrôle technique, aucun observateur sérieux n’en voit l’effet. A Kinshasa, la capitale, si la norme existait, peut-être le tiers des véhicules qui créent tous ces embouteillages suffocants serait hors usage. Des véhicules qui ne sauraient être admis pour le transport de bois morts ailleurs sont dans le transport d’êtres humains sur les boulevards et grandes avenues de la capitale. Que le gouvernement n’y trouve rien à faire tout au long de ses 100 premiers jours révèle l’immobilisme patent déjà décrié dans l’opinion nationale.
PILIER IV. GARANTIR L’ACCES AUX SERVICES SOCIAUX DE BASE 2.
Accès à l’eau et à l’électricité : un luxe pour les congolais
Le Gouvernement Suminwa a projeté de garantir l’accès à l’énergie en investissant dans les infrastructures électriques.
Qu’en a-t-il été ?
La desserte en eau et en électricité à Kinshasa, Lubumbashi et Kisangani, pour ne citer que ces trois grandes villes, s’est détériorée. Le projet de construction des nouvelles centrales hydroélectriques de KATENDE, KAKOBOLA, TSHOPO et consorts n’a pas connu d’avancées notables.
La Création des microentreprises agricoles des jeunes (entrepreneuriat agricole), l’équipement des centres d’incubation — pépinières d’entreprises agricoles de femmes et de jeunes installés dans les centres de production agricole, la mise en place des dispositifs d’appui à l’insertion socio-économique des jeunes par l’incubation et la formation stage- emploi en vue de leur intégration à l’économie formelle sont restés lettre morte.
Ne parlons pas de la facilitation de l’accès des jeunes aux différentes formes de crédits à des conditions préférentielles et du programme d’investissement des jeunes dans l’agro- industrie, qui n’ont vu le jour que sur papier.
PILIER V. RENFORCER L’EFFICACITE DES SERVICES PUBLICS
Aucun service public ne peut survivre à l’absence de l’autorité de l’Etat. Par ailleurs, sans financement conséquent, l’administration publique ne saurait rendre service aux populations. C’est ainsi qu’elle s’est transformée en « sévices publics », s’illustrant plus dans les tracasseries que dans les réponses aux préoccupations des citoyens. Comment notre gouvernement compte-t-il renforcer l’efficacité des services publics sans réaliser les préalables à ces derniers et en créer l’environnement ?
L’administration du territoire, colonne vertébrale de l’État, renvoie l’image d’un désengagement volontaire du gouvernement.
Les arrêtés contradictoires du gouvernement passé nommant les chefs de secteurs continuent de souffrir d’application et de poser problèmes dans plusieurs territoires, comme à Basoko, dans le secteur de Bangelema Mongandjo. En plus, qu’il s’agisse des administrateurs de territoires ou desdits chefs de secteurs, personne n’a jeté un coup d’œil sur l’adéquation profil-responsabilités. Ces acteurs censés incarner la force de l’Etat à la base et encadrer/orienter la population tant dans les activités productives que dans le vivre ensemble harmonieux ne présentent guère un profil approprié. Pire, ils ne sont pas payés depuis bientôt deux ans.
Lorsque l’animateur d’une entité territoriale déconcentrée n’a ni salaire ni prime ni frais de fonctionnement, que peut-il faire de bien au nom et pour le compte de l’Etat ? Notre gouvernement y a-t-il posé un acte salvateur ? Rien.
L’exposé des motifs de la Constitution, dans sa partie relative à l’Etat, expose clairement « dans le but, d’une part, de consolider l’unité nationale mise à mal par des guerres successives et, d’autre part, de créer des centres d’impulsion et de développement à la base, a structuré administrativement l’État congolais en 25 provinces plus la ville dé Kinshasa dotées de la personnalité juridique et exerçant des compétences de proximité énumérées dans la Constitution. » Le régionalisme politique voulu par la Constitution du 18 février 2006 est bien clarifié dans la loi 08/012 du 31 juillet 2008 portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces, telle que modifiée à ce jour. Son article 2 est on ne peut plus clair en stipulant : « La province est une composante politique et administrative du territoire de la République. Elle est dotée de la personnalité juridique. Elle jouit de l’autonomie de gestion de ses ressources humaines, économiques, financières et techniques. Elle exerce, par ses institutions politiques, les compétences qui
lui sont dévolues par la Constitution. Elle coopère avec les autres provinces et le pouvoir central dans le cadre du fonctionnement régulier des institutions. »
Pour donner les moyens aux provinces, le constituant a séparé les finances des provinces de celles du pouvoir central (article 171 de la Constitution). Et, pour éviter toute velléité de capture des ressources par le pouvoir central, la constitution en son article 175, al.2 dispose que « La part des recettes à caractère national allouées aux provinces est établie à 40%. Elle est retenue à la source. »
L’échec noté dans l’application de cette disposition dès la première législature a poussé le parlement à en clarifier les modalités dans la loi 11/011 du 13 juillet 2011 relative aux finances publiques, telle que modifiée à ce jour. En effet, ce cadre de référence en matière de gestion des finances publiques a réservé tout un titre, de trois chapitres, relatif aux rapports entre le pouvoir central et les provinces. Toutes les dispositions aideraient à la mise en branle de l’autonomie financière des provinces. Hélas ! Le pouvoir central a décidé de confisquer, sans efficacité particulière dans l’amélioration du bien-être collectif, toutes les ressources destinées aux provinces, centres d’impulsion du développement de notre cher pays.
Bien plus, dans l’exercice de leurs compétences exclusives, le pouvoir central n’hésite pas à brandir le gros bras pour étouffer les moyens d’action et de contrôle des Assemblées provinciales voire des gouvernements provinciaux. On avait pensé que la nouvelle équipe gouvernementale ferait autrement. Erreur ! Dès la constitution de leurs équipes de travail, le pouvoir central a, sans référence légale substantielle, interdit l’investiture de deux gouvernements provinciaux. Les raisons du désaccord devraient être portées devant l’autorité judiciaire compétente. Mais, le gouvernement central a préféré le fameux communiqué officiel du ministère de l’intérieur dont la légalité est difficile à retracer.
A travers un autre communiqué abracadabrantesque, le ministère de l’intérieur donne injonction aux gouverneurs de provinces de prendre en charge les conseils municipaux. Il identifie, pour ce faire, les recettes d’intérêt commun. Le ministère devrait rappeler l’article 225 de la loi 11/011 susmentionnée qui stipule : « Les entités territoriales décentralisées ont droit à 40% de la part des recettes à caractère national allouées aux provinces conformément à l’article 115 de la loi organique n° 08/016 portant composition, organisation et fonctionnement des entités territoriales décentralisées et leurs rapports avec l’État et les provinces. Elles ont également droit à 40% des impôts et taxes provinciaux d’intérêt commun. » Le ministère allait constater qu’il faut en amont demander au gouvernement central d’appliquer la constitution en ce qui concerne la répartition des recettes à caractère national entre pouvoir central et provinces.
Pendant que la célébration des 100 premiers jours se porte bien, les députés provinciaux de la législature 2018-2023 ont plusieurs mois d’arriérés de paiement de leurs émoluments. Ceux de la législature débutante accusent déjà des mois de non-paiement et mènent une vie misérable, base des tensions qui déstabilisent les institutions politiques provinciales.
Concernant l’éducation nationale, la multiplication des ministères y relatifs coïncide avec la baisse générale du niveau des diplômés. Les profils qui se bousculent aux portillons des universités et instituts supérieurs sont nettement au-dessous de l’imaginable. La grille
d’entrée étant grandement poreuse, on enclenche le cercle de production des cerveaux inutiles (Lire E. Bongeli). Certains ont clamé qu’il convient d’orienter les étudiants jugés faibles vers les établissements d’enseignement technique. Mais, de quelle technique parle-t-on ? Il n’y a ni laboratoire ni fourniture d’électricité aux écoles pour faire fonctionner les équipements d’entrainement éventuels.
A l’Enseignement Supérieur et Universitaire, en violation de la Loi-cadre de l’enseignement national et de ses mesures d’application, les membres des comités de gestion continuent d’être nommés, et ce, sous l’empire du clientélisme à ciel ouvert. Le ministère de l’ESU devrait favoriser et organiser les élections des recteurs et directeurs généraux. A-t-on observé un changement dans ce secteur ? Au-delà de l’évaluation à mi- parcours du système LMD voulue par le Chef de l’Etat, aucune initiative de changement ne s’observe.
PILIER VI. GERER DURABLEMENT ET DE MANIERE RESPONSABLE L’ECOSYSTEME DE LA RDC FACE AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUE
Dans ce secteur, aucun acte sérieux n’a été observé dans les attitudes du gouvernement. Et ce, dans tous les aspects du sujet. Les congolais meurent plus de l’insalubrité de l’environnement, de la pollution de l’air que de toute autre cause. Quand les chercheurs de l’UPN ont commencé à publier l’index de pollution, au lieu d’être encouragés, l’obscurantisme s’est vite mobilité pour que l’ignorance en la matière continue son assassinat en douceur. L’omerta sur le niveau de pollution devrait prévaloir ! Les établissements humains qui se remplissent nuit et jour n’ont pas de toilettes propres, l’inspection des services d’hygiène et santé publique n’étant plus que dans la mémoire des années 1980.
La RDC-Pays solution pour l’environnement. Mais pour quelles retombées en faveur des citoyens ?
Nous ne sommes un « pays solution » qu’à titre figuratif. Activons-nous, au niveau international, un marketing vert pour une justice environnementale en notre faveur ?
Si notre pays est présenté comme une des solutions face aux défis climatiques à l’échelle planétaire, rien n’est vraiment entrepris en vue de restaurer les 350 millions d’hectares de terres déboisées et dégradées d’ici à 2030. Nous avons pris l’engagement de reboiser 8 millions d’hectares de paysages dégradés ainsi que de restaurer 1 milliard d’arbres avant 2023. A l’échéance, il est difficile d’identifier les espaces forestiers qui ont été reboisés, d’une part, et d’établir une carte des sites concernés afin d’atteindre le 1 milliard d’arbres à restaurer, de l’autre.
Durant ces 100 premiers jours, combien d’arbres ont été plantés dans le but d’approcher notre pays de cet engagement ? Aucun.
Mais, que faisons-nous en même temps ? Nous nous faisons accuser d’avoir, à travers le ministère de l’environnement et du développement durable, attribué des concessions forestières de plus d’1 millions d’hectares en violation de la loi (lire le Rapport de Green Peace).
Quels efforts fournit notre pays pour que la lutte du sud global pour la mise en pratique du principe « pays pollueur-pays payeur » produise des fruits ? Aucun.
A titre de conclusion, les cent premiers jours du gouvernement n’ont pas fourni d’indications notables en termes de coordination, de cohérence et d’esprit d’équipe. Au contraire, l’opinion a noté l’hypertrophie de l’égo de certains membres de ce gouvernement, qui contraste scandaleusement avec l’hypotrophie des résultats pro populations toujours très pauvres jour après jour.
A part le professionnalisme dans la communication institutionnelle du ministre sectoriel, la claire vision du secteur du commerce, les efforts de la diplomatie et dans la mobilisation des recettes, les cent premiers jours du Gouvernement Suminwa n’ont affiché aucun changement par rapport aux gouvernements précédents. Or, comme disent les anglophones « no progress without change ». Si on continue de faire le « business as usual », on aura le même résultat de pauvreté et malnutrition en croissance. Pour éviter cela, si les prochains cent jours ne fournissent pas de grands mouvements, le Chef de l’Etat n’aura d’autre choix que de trouver une équipe plus concentrée et plus experte. Entretemps, le contrôle parlementaire, seul mécanisme constitutionnel de pousser à la performance, devra bénéficier de toutes les garanties de libre exercice. Des subterfuges juridiques et des stratagèmes politico-administratifs, qui, jadis, ont immunisé des gouvernants inefficaces, sont à décourager d’où qu’ils viennent.
Honorable MATATA MAKALAMBA Patrick Professeur des universités
