Depuis le mercredi 26 mars 2025, le ministre de la Justice, Mr Constant Mutamba, a officiellement lancé l’identification des associations cultuelles et des leaders religieux, et la vente du permis d’exercice de culte pour, semble-t-il, garantir leur conformité aux normes établies. À travers cette opération, de toute évidence commerciale, le Ministre prétend lutter contre les ‘‘faux pasteurs’’ et contre la prolifération anarchique des lieux de culte. Les contrevenants, dit-il, s’exposent à des sanctions sévères, allant jusqu’à l’incarcération.
La décision du ministre de la Justice n’est pas motivée par le souci de rétablir l’ordre, mais par une soif manifeste de se faire une santé financière auprès des églises. Le permis de culte est une arnaque. Le ministre vend une autorisation d’exercer le culte à ceux qui en ont déjà une : la personnalité civile.
Mr Constant Mutamba veut l’argent des églises ! Le dimanche 9 février 2025, il ne s’était pas gêné d’aller personnellement dans des églises quémander des offrandes, semble-t-il, pour l’effort de guerre. Je note seulement qu’à cette occasion, il n’avait pas cherché à savoir qui est vrai ou faux pasteur. Je parie qu’il fera la même chose avec le permis d’exercice de culte. Les vrais et les faux paieront, et s’en iront. La situation restera la même ! On ne gère pas les esprits mauvais, les anges ou le Saint-Esprit avec des décrets !
CE QUE L’ÉTAT DOIT FAIRE
Le devoir des autorités n’est pas de savoir qui prie un faux Dieu ou qui prie le vrai Dieu, mais d’ouvrir un espace de liberté de culte à tout le monde, supposés vrais et supposés faux, et de poursuivre en Justice les auteurs des infractions de droit commun. La solution n’est donc pas dans le durcissement des conditions d’existence légale des associations cultuelles, mais dans le renforcement de la répression des infractions individuelles, sans céder à un triage subjectif de qui a le droit légal d’exercer la spiritualité ou non.
En matière civile, administrative ou pénale, aucun pasteur des églises post-missionnaires ne jouit d’immunité de juridiction dans l’exercice de ses fonctions. En cas d’infraction, il est tenu de répondre de ses actes devant la Justice, comme n’importe quel citoyen ! Je suis surpris qu’au lieu de renforcer la répression des délits, le ministre de la Justice et garde des Sceaux, motivé par le gain financier, choisit de piétiner inutilement la liberté de pensée, de conscience et de religion.
J’aurais applaudi de deux mains s’il avait commencé par sa propre corporation en imposant «un permis d’exercice de la politique». Car, en matière d’insultes, d’immoralité et de mauvaise gestion, aucun pasteur ne peut faire mieux que les politiciens congolais !
Le rôle du gouvernement n’est pas de dire à un citoyen comment il doit fléchir son genou et devant qui il doit le faire, mais de lui donner la possibilité d’exercer sa foi dans le respect des droits de ses semblables. Le cas de nuisance sonore, par exemple, peut être combattu en fixant des fortes amendes, et non en instaurant un permis d’exercice de culte « à durée déterminée ».
IL Y A UN PROBLÈME DE DROIT
Le ministre de la Justice délivre une personnalité civile — synonyme de la personnalité juridique — à tout mouvement associatif pourvu d’une possibilité d’expression collective pour la défense d’intérêts licites, qui remplit les conditions légales, et qui en fait la demande. La personnalité juridique accorde au mouvement associatif la capacité d’être sujet de droit, c’est-à-dire, d’exercer des activités avec des droits et des obligations.
Cette définition de la personnalité juridique rend totalement incompréhensible le tiret trois de la circulaire numéro 004 du 20 juillet 2024 du ministre de la Justice, qui stipule : «Tout représentant légal, fondateur ou visionnaire, ministre de culte doit se faire identifier afin d’obtenir un permis d’exercice de culte».
Cette mesure est embarrassante, car elle ne peut pas convaincre comment, le matin, on peut accorder à une association cultuelle la personnalité juridique — l’autorisation de fonctionner, de tenir ses cultes —, et le soir, inviter tous les pasteurs de cette même association reconnue pour leur vendre un autre document, une sorte d’autorisation parallèle à la personnalité civile, nommée ‘‘permis d’exercice de culte’’. Il s’agit bel et bien d’une arnaque !
Puisque cette mesure parle de «tout ministre de culte» et de «tout représentant légal», nous sommes en droit de savoir si elle s’appliquera également au cardinal catholique, à l’évêque protestant, au patriarche kimbanguiste et à l’iman musulman, ou elle ne s’appliquera qu’aux malaimés du ministère de la Justice, c’est-à-dire, les représentants légaux et pasteurs des églises post-missionnaires ?
LA PERSÉCUTION EST INÉVITABLE
Tout le monde sait qu’aucun pasteur ne fermera son église de plein gré ! Par conséquent, le ministre aura à recourir à la brutalité, à la mise sous scellé, à la confiscation du matériel, aux arrestations et à l’humiliation des serviteurs de Dieu tout simplement parce qu’ils n’auraient pas rempli ses conditions ! C’est ce qu’on appelle une persécution des églises ! La République démocratique du Congo n’a pas besoin des mécontentements sociaux en cette période de guerre.
En plus, la mesure du permis d’exercice de culte n’est pas seulement illégale, elle est discriminatoire. Je ne vois pas le cardinal catholique et ses prêtres, le chef spirituel kimbanguiste ou les pasteurs protestants s’aligner devant les bureaux du ministère de la Justice pour se procurer ce « permis d’exercice de culte ».
IL FAUT ÉVITER L’ARBITRAIRE
Je voudrais également faire observer que, la circulaire du ministre de la Justice n’énumère pas les conditions d’obtention, de durée ou d’invalidation dudit permis. Mais, dans une vidéo qui ressemble à un point de presse, le ministre attribue verbalement à ce permis une validité de cinq ans et évoque la possibilité de son invalidation en cas de bavure ou de déviation.
Le fait que le ministre de la Justice ne précise pas la nature de ces bavures ou déviations ouvre la voie à l’arbitraire, car il y aura inévitablement des conflits de normes et de divergences d’interprétation.
Une telle mesure révèle, en filigrane, que désormais, les serviteurs de Dieu vont dépendre des caprices des fonctionnaires du ministère de la Justice ! Ce qui va, à coup sûr, créer une insécurité professionnelle des serviteurs de Dieu, et terroriser les pratiquants de la foi.
Car, dans un pays où la corruption et le trafic d’influence sont une coutume très respectée, il deviendrait facile à un pasteur influent d’éliminer un concurrent gênant ou à un homme puissant de nuire à un pasteur avec lequel il serait en conflit. Il n’est pas nécessaire de conclure qu’une telle mesure, qui nourrit richement les germes de l’arbitraire et de l’injustice, n’a pas sa place dans un État de droit !
Nous avertissons le ministre de la Justice, Mr Constant Mutamba, que nous nous battrons jusqu’à ce qu’il retire de la vente ‘‘son permis commercial’’.
Dr Job Mukadi