Ancien grand argentier de la République, Nicolas Kazadi semble aujourd’hui vouloir jouer les lanceurs d’alerte. Mais à y regarder de plus près, c’est surtout son propre bilan qui soulève de lourdes interrogations. Entre décisions budgétaires controversées et dépenses non certifiées, l’ancien ministre des Finances laisse derrière lui un passif difficile à justifier.
La polémique la plus retentissante reste celle du paiement de 451 milliards de francs congolais en 2024, effectué sous sa gestion au titre de la dette commerciale. Cette somme colossale, validée sans certification préalable et invoquant une urgence budgétaire « discutable », représente une explosion de 504 % par rapport aux crédits initialement approuvés. « Ce dépassement budgétaire n’a jamais été transparent », dénonce un analyste économique. Et pourtant, Kazadi, aujourd’hui prompt à dénoncer les dérives, était bien aux commandes.
Ce n’est pas la seule casserole que traîne l’ancien ministre. Le dossier des lampadaires et des forages, dont les coûts ont été jugés excessifs et les résultats plus que mitigés, reste un symbole d’une gouvernance jugée dispendieuse. Plusieurs projets, vantés comme prioritaires, n’ont pas vu le jour malgré des décaissements massifs. « Beaucoup d’argent a été englouti dans des projets sans suivi ni évaluation claire », confie un haut fonctionnaire du ministère du Budget.
Autre fait marquant de son passage : la création anarchique de 53 établissements publics entre 2019 et 2023, dont la majorité n’avait ni base légale solide ni utilité démontrée. Pour de nombreux observateurs, cette prolifération administrative répondait davantage à des logiques de clientélisme politique qu’à une vision stratégique. « On a assisté à une inflation d’agences publiques servant parfois de sinécures », critique un député de l’opposition.
Face à ces accusations, Nicolas Kazadi tente de prendre les devants. Dans ses récentes sorties médiatiques, il dénonce les « abus budgétaires » et appelle à « une gestion plus rigoureuse des finances publiques ». Une posture qui interroge : « Peut-on être juge et partie ? », s’étonne un économiste congolais. Beaucoup y voient une manœuvre pour se repositionner politiquement.
Le calendrier de ses déclarations alimente d’ailleurs les soupçons. À l’approche des échéances électorales, certains y décèlent une tentative de se refaire une virginité politique. « Il veut apparaître comme un homme de principes, mais les chiffres le contredisent », ironise un journaliste spécialisé en finances publiques.
Il est difficile d’ignorer la responsabilité de Kazadi dans les décisions prises durant ses deux années de gestion. Le manque de transparence, la concentration du pouvoir décisionnel et l’absence de reddition des comptes sont autant d’éléments qui ternissent son image d’ancien ministre technocrate.
Au final, Nicolas Kazadi a peut-être ouvert un débat sur la gouvernance financière, mais il en reste aujourd’hui un acteur central — et contesté. Réformateur sincère ou opportuniste politique ? Le doute persiste. Une chose est sûre : les factures de son passage aux Finances continuent de peser lourd sur les comptes et les esprits.
CB