La construction d’une nouvelle prison à Kisangani, censée soulager les conditions carcérales dans la région, est désormais éclaboussée par une affaire qui suscite interrogations et remous politiques. Au cœur de la controverse : un marché de gré à gré de 19 millions de dollars attribué à une société écran dénommée « Zion Construction » et les noms désormais familiers de Willy Musheni et Jules Alingete qui planent sur le dossier.
Créée le 28 mars 2024, Zion Construction est une entreprise qui n’avait, jusqu’à récemment, ni personnel administratif avéré, ni expérience dans le domaine du BTP. Avec un capital social initial de seulement 5 000 dollars, sa brusque ascension intrigue. Moins d’un an après sa création, elle décroche un contrat faramineux pour la construction d’un établissement pénitentiaire à Kisangani, sans appel d’offres.
Derrière cette société se cache Willy Musheni, connu comme proche collaborateur de Jules Alingete, ancien patron de l’Inspection générale des finances. Musheni est également une figure bien connue dans le monde culturel sous le surnom de « code ya mboka ». Son implication soulève des soupçons d’abus de position et de favoritisme.
Le projet a été validé par le ministre de la Justice, Constant Mutamba, un choix aujourd’hui contesté. Le procureur général près la Cour de cassation a même demandé à l’Assemblée nationale l’autorisation de poursuites à l’encontre du ministre, une démarche révélatrice de la gravité des accusations.
Selon des sources proches de l’enquête, la Cellule nationale des renseignements financiers (CENAREF) a gelé le projet, le considérant comme suspect en raison notamment de l’absence de capacités techniques de Zion Construction. Le dossier a depuis pris une dimension politique et judiciaire.
Autre figure présente dans le montage : Ange-Marie Inamahoro Aurore, une cadre burundaise employée à la Rawbank. Elle est identifiée comme co-actionnaire de Zion Construction et aurait joué un rôle administratif clé. Sa présence dans le capital de l’entreprise intrigue, d’autant qu’elle gère une agence bancaire à Kinshasa.
Le timing des opérations financières ajoute au trouble. Le 7 avril 2025, à peine une semaine avant la signature du contrat avec le ministère, Willy Musheni aurait cédé ses parts dans la société à un certain Jacques Betutua Lutete, dont l’identité fait encore l’objet de vérifications. Un geste perçu comme une tentative de se soustraire à d’éventuelles responsabilités.
CB