Vingt-cinq ans se sont écoulés depuis la tristement célèbre guerre de six jours qui a ravagé Kisangani en juin 2000, opposant deux armées étrangères sur le sol congolais et laissant derrière elle des milliers de morts, de blessés, et une ville meurtrie. Un quart de siècle plus tard, alors que la mémoire des bombardements plane encore dans les esprits, Kisangani peine toujours à panser ses plaies. Pire encore, une autre forme de violence s’est enracinée : celle de l’insécurité chronique.
Ces derniers mois, la situation sécuritaire à Kisangani s’est sérieusement dégradée, au point que beaucoup de Boyomais redoutent la tombée de la nuit. Les coupures d’électricité quasi permanentes plongent la ville dans une obscurité inquiétante, propice à toutes sortes d’activités criminelles. Le sentiment d’abandon par les autorités grandit, alimenté par l’inaction apparente face à la montée de la criminalité.
Dans les six communes qui forment Kisangani Kabondo, Makiso, Kisangani, Lubunga, Tshopo et Mangobo , la peur est omniprésente. Il ne se passe plus un jour sans que la population ne rapporte des cas d’assassinats, de vols à main armée, ou de cambriolages. Les malfrats semblent opérer en toute impunité, parfois même en plein jour, ciblant maisons, boutiques, et passants.
À Kabondo et Makiso, des familles entières sont contraintes de dormir à tour de rôle pour monter la garde, faute de protection suffisante. Dans la commune de Kisangani, les habitants dénoncent des bandes armées qui écument les quartiers périphériques, terrorisant la population. Sur la rive gauche du fleuve Congo, à Lubunga, l’isolement géographique rend la situation encore plus critique. Les autorités locales, souvent démunies, peinent à répondre aux appels à l’aide.
À Mangobo, les jeunes se mobilisent dans des groupes dits de « vigiles communautaires », faute d’une présence policière effective. Mais cette initiative citoyenne ne suffit pas à endiguer la violence, d’autant plus que ces groupes opèrent souvent sans moyens, ni encadrement légal.
À Tshopo, les commerçants et transporteurs se plaignent d’être régulièrement la cible de braquages. Même les marchés, lieux pourtant animés et vivants, deviennent des zones à risque dès le crépuscule.
Le climat d’insécurité généralisée mine la vie économique de la ville. Les activités tournent au ralenti, les investisseurs fuient, et les jeunes, déçus et désillusionnés, rêvent d’un ailleurs plus sûr, souvent à travers des routes migratoires périlleuses.
La résilience des Boyomais est admirable, mais elle atteint aujourd’hui ses limites. À l’heure où l’on commémore les vingt-cinq ans d’un conflit meurtrier, les attentes d’une paix véritable et d’un retour à la sécurité sont plus pressantes que jamais. Une réponse structurée, à la fois sécuritaire, sociale et économique, est indispensable pour sortir Kisangani de ce cycle infernal de peur et de précarité.
CB