Kigali a levé le dernier voile sur une réalité que la diplomatie internationale feignait d’ignorer. En conditionnant l’acheminement de l’aide humanitaire vers Goma à un passage par Doha, le Rwanda a révélé, malgré lui, le lien organique qui unit son armée au mouvement rebelle M23. Ce geste, en apparence technique, résonne comme un aveu politique et militaire.
Tout est parti d’une proposition française. Paris, à l’initiative d’une conférence humanitaire, avait suggéré la réouverture partielle de l’aéroport de Goma pour permettre des vols humanitaires légers à destination des populations civiles piégées dans la zone de conflit. Une mesure pragmatique, dépourvue de toute portée militaire. Mais la réaction de Kigali a pris de court plus d’un observateur.
Le Rwanda a rejeté la proposition, préférant un transit “via Doha”. À première vue, un simple choix logistique. En réalité, une déclaration géopolitique. Doha est le théâtre des discussions dites de paix entre Kinshasa et le M23 , un groupe armé que Kigali continue de présenter comme “congolais”, tout en niant toute implication directe. En imposant cette escale diplomatique, Kigali a offert la clé de lecture que beaucoup attendaient.
Cet épisode consacre l’effondrement du narratif officiel rwandais. Si le M23 est réellement une rébellion congolaise, pourquoi le Rwanda s’arroge-t-il le droit de rediriger un processus humanitaire vers une plateforme de négociation qui le concerne indirectement ? En liant la logistique humanitaire à un forum où son armée officie par procuration, Kigali signe son propre aveu : le RDF/M23 n’est qu’une extension de son appareil militaire.
L’argument humanitaire a donc servi de révélateur. En voulant contrôler le flux de l’aide, Kigali n’a pas seulement montré sa main il a reconnu, sans le dire, sa position de commanditaire. Aucun État étranger n’a le pouvoir de bloquer une aide humanitaire à destination d’un pays voisin, sauf s’il considère la zone concernée comme relevant de sa sphère d’influence ou d’occupation.
Cette posture met à mal la fiction diplomatique entretenue depuis des mois. Derrière la façade des “pourparlers de paix”, se cache une réalité de guerre par procuration. Le M23, souvent présenté comme un acteur autonome, agit en réalité comme une brigade avancée de l’armée rwandaise, bénéficiant de son soutien logistique, de ses renseignements et de ses chaînes d’approvisionnement.
En redirigeant l’humanitaire vers Doha, Kigali ne cherche pas seulement à gagner du temps. Il cherche à légitimer le M23 comme interlocuteur politique de plein droit, en le plaçant sur le même plan que l’État congolais. C’est une manière subtile mais désormais démasquée de transformer une force d’occupation en acteur politique légitime aux yeux de la communauté internationale.
Pour Kinshasa, cette manœuvre a le mérite de la clarté. Elle confirme que les négociations dites “indirectes” ne sont qu’une mise en scène diplomatique. Les véritables pourparlers ne se jouent pas entre la RDC et une rébellion interne, mais bien entre deux États , l’un officiellement agresseur, l’autre officiellement victime , sous le vernis d’un dialogue humanitaire.
La communauté internationale se retrouve désormais face à un choix. Continuer à traiter le M23 comme une entité autonome reviendrait à entériner le mensonge stratégique de Kigali. À l’inverse, reconnaître la responsabilité directe du Rwanda dans le conflit ouvrirait la voie à une redéfinition du cadre diplomatique et des sanctions internationales.
Le masque est tombé. En tentant de détourner une initiative humanitaire vers un terrain de négociation politique, Kigali a signé la fin de sa fiction. L’humanitaire, censé transcender les calculs géopolitiques, a révélé l’essentiel : il n’y a pas de “rébellion” indépendante, seulement une armée d’occupation qui avance sous un faux drapeau.
Baromètre.cd
