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Comment Vital Kamerhe est parvenu, malgré la détention, à rester au cœur du pouvoir

Comment Vital Kamerhe est parvenu, malgré la détention, à rester au cœur du pouvoir

En difficulté depuis sa condamnation, Vital Kamerhe assure tout de même la survie de son parti en décrochant cinq ministères au sein du nouveau gouvernement. Non sans avoir fait preuve d’intransigeance et d’habileté dans les négociations avec Félix Tshisekedi.

« Mes félicitations aux camarades de l’UNC nommés ministres d’État, ministres et vice-ministre du gouvernement. Je félicite également Nicole Bwatshia, nommée directrice adjointe du cabinet du chef de l’État. » En cette soirée du 14 avril, Vital Kamerhe sort de son silence depuis sa chambre du centre hospitalier Nganda, où il a été admis pour des soins. Deux jours plus tôt, la composition du gouvernement de Sama Lukonde Kyenge a été annoncée et l’ancien directeur de cabinet du président Félix Tshisekedi savoure le moment : il est parvenu à assurer la survie de son parti, l’Union pour la nation congolaise (UNC), bien représenté au sein du gouvernement et du cabinet présidentiel.

Avec le Budget, les Affaires foncières, la Culture et les Petites et moyennes entreprises et avec un vice-ministère (celui de la Justice), l’UNC, qui compte 16 députés, s’arroge cinq maroquins. Un de moins seulement qu’Ensemble pour le changement, la plateforme de Moïse Katumbi qui revendique 70 députés, et deux de plus que le Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba (17 députés), qui s’empare de trois ministères.

« Kamerhe s’est montré intransigeant »
Fragilisée depuis la condamnation de Vital Kamerhe à 20 ans de prison et à 10 années d’inéligibilité pour « détournement de fonds » et « corruption », l’UNC était menacée de disparition. Ces dernières semaines, elle avait encaissé un nouveau coup en ne parvenant pas à être représentée au sein des bureaux de deux chambres du Parlement, lesquels ont été réorganisés après que Félix Tshisekedi est parvenu à constituer une nouvelle majorité autour de lui. Lors des tractations pour la formation du nouveau gouvernement, Kamerhe a donc tenté le tout pour le tout, négociant parfois directement avec Félix Tshisekedi.

EN LUI ACCORDANT CES CINQ PORTEFEUILLES, TSHISEKEDI MONTRE QU’IL NE SOUHAITE PAS LE MARTYRISER DAVANTAGE »

« Au départ, on pensait confier deux ministères seulement à l’UNC, suivant le principe édicté par Modeste Bahati Lukwebo [le président du Sénat], qui veut que l’on ait un ministère pour huit députés, explique une source ayant participé aux discussions. Mais Kamerhe s’est montré intransigeant. » Selon cette même source, les négociations avec l’UNC ont d’ailleurs constitué l’un des derniers points de blocage qui ont retardé l’annonce du gouvernement.

« C’est parce que c’est un allié historique du président Tshisekedi au sein de la coalition Cach [Cap pour la Changement ] que la règle des huit députés ne lui a pas été appliquée, explique à Jeune Afrique un autre participant aux discussions. Il faut aussi dire que le président Tshisekedi nourrit quelques regrets à cause de l’incarcération de Kamerhe. En lui accordant ces cinq portefeuilles, il montre qu’il ne souhaite pas le martyriser davantage ». « Félix Tshisekedi est un homme sensible et l’attitude de Kamerhe, qui lui est resté fidèle et qui ne s’est pas montré vindicatif, a beaucoup joué », ajoute un proche du président.

Un acteur politique utile
Pour convaincre le chef de l’État, Kamerhe a aussi brandi un argument de taille : il n’a pas hésité à rappeler le retrait de sa candidature à la présidentielle en 2018. Jusqu’à sa disgrâce, il était d’ailleurs considéré comme le principal partenaire politique de Félix Tshisekedi, dont il avait été nommé directeur de cabinet en janvier 2019.

En plus des cinq ministères obtenus, l’UNC fait aussi son retour au sein de la présidence : le 14 avril, Félix Tshisekedi a remanié son cabinet et nommé Nicole Bwatshia, membre du parti, au poste de directrice de cabinet adjointe chargée des questions administratives et juridiques.

Pourtant, plusieurs cadres de l’UNC restent sur leur faim. « On voulait plus, car avec le FCC [Front commun pour le Congo] contrôlait la majorité, on avait huit ministères. Nous n’avons pas rompu avec Joseph Kabila pour perdre au change », déplore l’un d’eux.

Reste que Vital Kamerhe est parvenu à se repositionner auprès du chef de l’État. Une partie de l’entourage du chef de l’État, agacé par son influence, a certes combattu Vital Kamerhe, mais le considère malgré tout comme un acteur politique utile et susceptible de faire gagner des points à Félix Tshisekedi, menacé par une fronde interne.

Kamerhe pourrait-il être libéré ?

Condamné en première instance, Kamerhe a fait appel et le nouveau procès est toujours pendant. L’UNC a multiplié des démarches pour obtenir la libération provisoire de son chef ou son évacuation sanitaire à l’étranger. Victime de plusieurs malaises alors qu’il était en cellule à la prison centrale de Makala, Vital Kamerhe a été admis le 23 août dernier au centre hospitalier Nganda et ses visiteurs le décrivent comme un patient « sérieusement malade ».

TOUT EST FAIT EN FONCTION DE LA PROCHAINE PRÉSIDENTIELLE DE 2023

L’ancien directeur de cabinet pourrait-il être libéré avant son procès en appel ? Dans ce feuilleton judiciaire, rien n’est à exclure. « Tout est décidé en fonction de la présidentielle de 2023 et de la manière dont l’Union sacrée va mobiliser ou non la machine électorale en vue d’un second mandat », décrypte l’analyste congolais Martin Ziakwau Lembisa.

Pour l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le parti présidentiel, l’affaire Kamerhe pourrait servir de faire-valoir en matière de bonne gouvernance. Les chances de Kamerhe d’obtenir une libération s’en trouveraient alors amoindries. « Cela limiterait les possibilités », concède un ténor du parti. En revanche, si l’UDPS peine à mettre en place une machine de campagne efficace, en particulier dans l’Est où la situation sécuritaire ne s’améliore pas, Félix Tshisekedi pourrait avoir besoin de son ancien directeur de cabinet, lui-même originaire du Sud-Kivu. Et dans ce cas, une libération sous condition n’est plus à exclure.

Stany Bujakera via Jeune Afrique

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