Alors que la grève sèche et illimitée du corps enseignant de l’Enseignement supérieur et universitaire (ESU) démarre ce lundi 9 décembre, le professeur Franck Elias Mukanya Lusanga de l’Université des sciences de l’information et de la communication (Unisic) partage une analyse éclairée sur les enjeux et les défis de cette mobilisation. Si la légalité et la légitimité des revendications ne font aucun doute, il pointe l’absence d’une vision claire pour en assurer l’efficacité et la durabilité.
Pour le prof Mukanya, l’un des principaux problèmes réside dans l’absence de seuils précis définissant la satisfaction minimale des revendications. Sans de tels repères, il craint que la grève, bien qu’annoncée comme nécessaire, s’enlise dans une durée indéterminée, mettant en péril l’année académique qui vient à peine de débuter. Déjà, la précédente année a été jugée bâclée, avec des cours partiels ou inexistants dans plusieurs institutions, ce qui compromet gravement la qualité de l’enseignement.
Le professeur souligne également que les attentes des enseignants, bien que légitimes, semblent difficilement réalisables à court terme. Il prend l’exemple des véhicules promis, dont même une livraison partielle avant mars 2025 paraît improbable. Cette échéance pose la question cruciale : les grévistes sont-ils prêts à maintenir la pression jusqu’à ce que toutes les revendications soient satisfaites, ou un compromis réaliste est-il envisageable ?
Mukanya met aussi en lumière les limites organisationnelles des syndicats enseignants. Contrairement à d’autres contextes, où des fonds de soutien permettent de pallier la perte de revenus liée à la suspension des contrats pendant une grève, les enseignants de l’ESU ne disposent pas de telles garanties. Cette situation pourrait affaiblir la mobilisation face aux pressions économiques et institutionnelles.
Enfin, il invite à une réflexion plus large sur les impacts à long terme. Les grèves répétées et prolongées risquent de renforcer l’instabilité des institutions publiques, un phénomène qui a déjà conduit de nombreux étudiants à migrer vers le privé. Pour éviter cet écueil, Mukanya appelle à une stratégie plus réaliste, fondée sur un équilibre entre fermeté et flexibilité, et à une vigilance accrue contre toute instrumentalisation qui ne servirait qu’une minorité au détriment de l’intérêt général.
En conclusion, le prof Mukanya plaide pour une grève plus organisée et stratégique, où les enseignants, véritables intellectuels indépendants, garderaient leur esprit critique au service d’une lutte juste et équilibrée. Il appelle à une mobilisation qui ne soit pas seulement une démonstration de force, mais aussi un catalyseur pour des réformes durables et équitables. Ci-dessous, sa libre opinion sur cette grève.
LIBRE OPINION SUR LA GRÈVE LÉGALE ET LÉGITIME ANNONCÉE
- Une grève est décrétée dans l’ensemble des établissements de l’ESU à partir de ce lundi 09/12/2024.
- Elle est réputée « sèche », « générale » et, probablement, illimitée jusqu’à preuve du contraire.
- Sans la moindre réserve sur la légalité et la légitimité de cette grève, est-il autorisé de nous interroger sur ***l’absence d’une vision claire concernant le seuil minimal de satisfaction requis, pour suspendre ***sinon arrêter la grève après son déclenchement ?
- En effet, la nouvelle année académique vient à peine de commencer, faisant suite à une précédente bâclée à plusieurs égards, notamment par des enseignements dispensés partiellement ou pas du tout.
- La liste des revendications légitimes du corps enseignant est très longue. Ce qui n’enlève rien à leur justesse. Mais, rien n’indique à ce stade qu’elle pourra raisonnablement être satisfaite à 100 % avant une échéance plus ou moins longue.
- À titre indicatif, les véhicules ne pourront pas être servis même à la moitié des enseignants avant mars 2025, horizon communiqué sur la mission de prospection auprès des potentiels concessionnaires.
- Allons-nous, en toute responsabilité, rester en grève jusqu’à mars 2025 ? Avons-nous foi en la commission de suivi pour accompagner la mise en application des engagements, ou s’agit-il d’un machin de plus auquel il n’est accordé aucun crédit ?
- Ailleurs, les syndicats sont organisés pour soutenir financièrement au minimum les grévistes, privés le cas échéant du salaire ou d’un grand nombre d’avantages pendant la suspension du contrat associée à la grève.
- Sommes-nous prêts à braver toutes les conséquences qui découleraient d’une grève jugée à tort ou à raison illégale, selon les intérêts de toutes les parties prenantes, notamment l’Etat, les étudiants, etc. ?
- Jadis, l’UNIKIN était réputée constituer un pôle d’instabilité, avec des années académiques très élastiques, qui ont conduit bon nombre de ses anciens étudiants à migrer vers des établissements privés. Aujourd’hui, n’assistons-nous pas à la naissance d’un état des lieux inverse ? Les établissements plus stables de jadis sont devenus des champions de l’instabilité. Tous les procès d’intention, les noms d’oiseaux dont le Professeur LUBO de l’APUKIN (que je ne connais point de visage) a été truffé ne ferment pas définitivement le droit à poser haut des questions que bien d’autres pourraient se poser tout bas.
- Oui donc à la grève, moyennant toutefois une plus grande visibilité dans les stratégies déployées.
- Plus de réalisme aussi, en se rappelant cette définition du bon sens par respectivement René Descartes et Henri Bergson : « la chose du monde la mieux partagée », « la mobilité de l’intelligence qui s’adapte sur la mobilité des choses ». Pas stratégie lucide ainsi sans flexibilité en fonction du comportement de « l’adversaire ».
- Que la lutte, qui seule libère certes, soit menée en tenant compte d’un maximum de variables !
- Que le procès à charge soit mené également à décharge, en vue d’une conclusion juste pour tous !
- Que les enseignants, intellectuels réputés pour leur indépendance d’esprit, ne s’exposent pas à une vilaine instrumentalisation qui ne pourra servir comme par le passé qu’une portion congrue d’entre eux !
Prof Franck Elias MUKANYA LUSANGA (UNISIC)
Ave Caesar, morituri te salutant