(Tribune de Yamaina Mandala)
Bien qu’assassiné le 16 janvier 1961 par des agents belges au service de l’impérialisme occidental, la mémoire de Patrice Emery Lumumba, le premier Premier ministre du Congo, aujourd’hui République démocratique du Congo, est loin de disparaître de l’imaginaire collectif. Bien au contraire, elle demeure présente dans les esprits de ceux qui réclament l’indépendance vraie, la liberté de penser, le droit pour tous.
Ainsi, hormis le livre lui consacré aux éditions Présence africaine par son ami belge Jean Van Lierde, « La pensée politique de Patrice Lumumba » auréolé de la lumineuse préface du philosophe français Jean-Paul Sartre, la situation qui prévaut dans le monde d’aujourd’hui replace au premier plan, comme le souligne l’auteur, la figure emblématique de Patrice Lumumba. Outre l’hommage qui lui fut rendu dans l’ex Urss où une université avait été baptisée en son nom, sans oublier d’autres anciens pays socialistes, l’hommage que lui a rendu le 28 octobre 2023 à Kinshasa, Jean-Luc Mélenchon, le député français et leader du parti la France Insoumise, restera gravé en lettres d’or dans l’histoire mouvementée de la RDC.
Devant le mausolée de Patrice Lumumba, érigé sur la place de l’Echangeur, à Limete, en présence de quelques députés français d’origine congolaise, et des enfants du héros de l’indépendance, l’ex ministre dont on connait le franc-parler, a profité des massacres qui se déroulent à l’Est de notre pays et en Palestine, pour évoquer la mémoire de Lumumba. Il ne s’explique pas que plus des millions de personnes dorment à la belle étoile, au nom de « la politique de deux poids deux mesures qui fait oublier les uns pour se souvenir toujours des autres. Ceux qui, méprisant les tâches communes de l’humanité, sont toujours là pour nous prêcher l’inaction», déplore-t-il.
Face à ce désastre qui accable le monde, Jean-Luc Mélenchon appelle de se tourner vers la lumière qui brille pour toujours au front de Patrice Lumumba. Cette lumière, reconnait-il, «c’est celle qui permet, aux Français, aux Insoumis, de s’approprier l’histoire de l’Afrique, en faisant nôtre, les valeurs de combat qu’incarnent les femmes et les hommes qui ont libéré ce continent et parmi lesquels, bien sûr, en première ligne, Patrice Lumumba ».
Et de rappeler, en des termes émouvants, que « Lumumba notre contemporain, nous avait déjà dit que l’indépendance, il ne suffisait pas qu’elle soit proclamée, il ne suffisait pas qu’elle soit nominale, il fallait encore qu’elle soit réelle. C’est-à-dire qu’elle étende sa protection sur toutes les réalités qui composent une société, et en particulier sur l’économie et sur l’égalité entre les citoyens qui composent la nation». Lumumba, poursuit-il, « nous a appris que si l’indépendance est un droit dorénavant acquis, elle reste un projet et un impératif pour le futur. Et cela ne vaut pas seulement pour les peuples d’Afrique, mais aussi pour les peuples de l’Europe qui, après avoir beaucoup dominé, sont à leur tour dominés et partagés comme l’étaient autrefois les sociétés coloniales. Ils ont introduit dans leurs rangs ces discriminations qui répartissent entre les très riches et les très pauvres, humilient les uns et favorisent toujours les autres, toujours les mêmes ».
Pour le leader des Insoumis, Lumumba est notre contemporain quand il nous assigne la tâche de devoir construire comme un projet l’indépendance, la souveraineté et la démocratie dans un même mouvement.
Lumumba est notre contemporain quand il nous dit que l’unité du peuple est la condition de la souveraineté, de la démocratie. L’unité du peuple n’est possible que sur ses propres objectifs, en rupture avec tout ce qui le fragmente et le fractionne, c’est-à-dire tout ce qui n’est pas conforme à son intérêt général et à l’intérêt humain qu’il contient.
Le Leader des Insoumis rappelle que Lumumba a nommé l’exploitation sociale, les logiques de développement séparées dans un même peuple entre les riches et les autres, le racisme.
Lumumba nous apprend que le tribalisme est un obstacle à l’unité du peuple.
Mais cette leçon ne vaut pas que pour le passé, car aujourd’hui, ce sont les puissants qui nous invitent au tribalisme quand ils nous proposent pour logique et pour grille d’analyse de la réalité, le choc des civilisations qui, paraît-il, nous opposerait les uns aux autres et transforme tout conflit en un conflit entre le bien et le mal.
Compte tenu de ces leçons, Jean-Luc Mélenchon accueille Lumumba dans le panthéon des femmes et des hommes qui sont les héros de la condition humaine en tout lieu, sous toutes les latitudes, face à toutes les différences qui peuvent distinguer les êtres humains.
Lumumba a été capable d’assumer la conflictualité parce pour avoir compris qu’elle est à l’origine de toute chose et il l’avait accepté pour la dénouer sans jamais avoir les pudeurs de langage.
A son avis, ses contemporains continuent son parler cru et dur parce que c’est la seule manière, à la fois d’assumer la conflictualité et de la dénouer.
Lumumba nous a montré que si le courage de tous est possible, il l’est à la condition préalable du courage de quelques-uns qui brisent l’inertie, la résignation et le courage de quelques-uns. Et c’est en le faisant que l’on prend tous les risques, martèle-t-il.
Et d’encourager les jeunes gens à s’imprégner de la gloire du combat pour la liberté qu’il avait mené, de s’engager pour le bien de la RDC mais aussi pour la communauté, le peuple humain, à l’heure où les plus grands dangers s’accumulent pour lui.
Il demande aux jeunes d’imiter l’audace de Patrice Lumumba avec des mots, des méthodes, des chants, des dessins, mais aussi des bulletins de vote.
Franchement, après la brillante préface de Jean-Paul Sartre, le discours mémorable de Jean-Luc Mélenchon aura été le premier, à ma connaissance, à être tenu sur Patrice Lumumba par un leader politique français de notre temps.
YAMAINA MANDALA