En voie de récupération par le Processus de Washington, le Processus de Doha voit Américains, Français et Belges autour du Congo grabataire. Les USA estiment le moment venu de sortir le grand jeu « masqué » depuis Léopold II. La France revendique son droit de préemption. La Belgique celui de tutelle. Tous ces pays n’usent pas jusque-là du devoir d’ingratitude à l’égard du Rwanda pour « services rendus ». Ceux du rabatteur. La veille du « sommet du 2 mai 2025 » entre la RDC et son voisin de l’Est, il est indiqué de rouvrir la page des relations entre Washington et Léopoldville (lisez Kinshasa) pour saisir les enjeux en cours dans la sous-région des Grands Lacs
LES USA, BERLIN ET BELGIQUE
Chronologie des faits pour comprendre le titre :
- 22 avril 1884. Les États-Unis reconnaissent l’existence de l’A.I.A. (Association Internationale Africaine) fondée en 1876 par le roi des Belges Léopold II avec pour mission « de propager la civilisation en Afrique, de supprimer la traite esclavagiste et de rassembler des fonds à cet effet ». Mission philanthropique côté jardin.
- 15 novembre 1885- 26 février 1885. Ils participent à la Conférence Internationale de Berlin sur l’Afrique aux côtés de l’Allemagne, de l’Autriche-Hongrie, de la Belgique, du Danemark, de l’Empire ottoman (Turquie), de l’Espagne, de la France, de la Grande-Bretagne, de l’Italie, des Pays-Bas, du Portugal, de la Russie et de la Suède-Norvège.
Trois faits importants sont à souligner.
Premier fait : c’est la première participation des USA à un forum international depuis leur création en 1776.
Deuxième fait : les États-Unis ne signent pas l’Acte Général de Berlin ouvrant le Bassin du Congo à tout commerce. « Le gouvernement américain ne ratifia jamais les conclusions de la conférence de Berlin, et ne fut jamais officiellement lié par elle. Néanmoins, son représentant signa la convention et le gouvernement agit en conformité avec les principes sur lesquels l’accord s’était fait », notent en page 179 Peter Duignan et L. Gann dans leur ouvrage commun intitulé « L’AFRIQUE ET LES ÉTATS-UNIS UNE HISTOIRE ». Comme pour dire que les USA ne se reconnaissent pas dans l’Acte de Berlin.
Troisième fait : les expéditions de Henry Morton Stanley, naturalisé américain quoique sujet britannique, se font également aussi avec des capitaux américains. En page 167, les auteurs précités affirment : « Naturellement, le nom qui vient sur toutes les lèvres lorsqu’on évoque les annales de l’exploration de l’Afrique est celui d’Henry Morton Stanley. A la fin de sa vie, ce dernier reprit sa citoyenneté britannique et fut anobli, mais à l’époque de ses explorations en Afrique, il se considérait comme Américain et ses entreprises étaient largement financées par des Américains ».
Il y a toutefois mieux. En page 185, ils font tomber comme un couperet cette conclusion : « Ces Américains qui participèrent à l’ouverture du Congo menèrent une action dans le droit fil de ce que les pionniers qui ont mis en valeur les vastes plaines de l’Amérique ». Une façon simple de signifier au monde le prolongement, en Afrique, de l’aventure commencée en Amérique.
-15 novembre 1908. La Belgique hérite officiellement du roi Léopold 2 sa propriété privée qu’est l’E.I.C. pour en faire une colonie : le Congo-Belge. On imagine mal que cela se fasse sans la caution des États-Unis.
LES USA ET MOBUTU
- 30 juin 1960. Après moult tergiversations, la Belgique accepte d’accorder à sa colonie l’indépendance ostensiblement réclamée. Les rumeurs laissent toutefois entendre qu’elle le fait sous la pression des Américains qui placent déjà auprès du Premier ministre Patrice-Emery Lumumba leur homme de confiance : Joseph Mobutu.
- 24 novembre 1965. Ils porteront d’ailleurs leur homme à la tête du pays en 1965, succédant ainsi à Joseph Kasa-Vubu qui aura eu un mandat tumultueux (1960-1965) avec, au plan sécuritaire, des guerres… à l’Est ! (rébellion lumumbiste en Orientale, maquis muleliste parti du Kwilu pour atteindre le Kivu et susciter le mouvement Maï-Maï dont les Wazalendo d’aujourd’hui sont l’émanation).
Devenu « gendarme » des intérêts américains en particulier et occidentaux en général dans la triple région d’Afrique centrale, d’Afrique orientale et d’Afrique australe, Mobutu voit son deuxième mandat couronné avec de gros investissements en provenance de l’Oncle Sam : Inga, Midema, General Motors, CitiBank, Goodyear, etc. Les premiers, mais aussi, hélas !, les derniers jusqu’à sa chute en mai 1997. Voire jusqu’à ce jour, à l’exception de Tenke Fugurume Mining installée au Katanga en 2009 et revendue aux Chinois en 2016 (nous y reviendrons).
Huit ans auparavant – on est en 1989 – un évènement inattendu vient perturber l’ordre mondial : Perestroïka.
Si, pour tout le monde, il résonne en termes de fin de la Guerre froide, pour Mobutu, c’est plus dur, car c’est la fin de son statut de « gendarme » des intérêts occidentaux, américains en tête.
Les États-Unis choisissent Dakar, symbole de la France et de la Francophonie, pour faire la déclaration de fin de règne de l’emprise européenne sur l’Afrique. En clair, ils annoncent l’avènement de l’emprise américaine sur le continent noir. C’est Honoré Ngbanda qui le relève dans son ouvrage « Ainsi sonne le glas ! Les derniers jours du maréchal Mobutu ».
1990, pour rappel, est l’année qui sonne le glas des régimes africains à parti unique. On est dans la foulée de la Perestroïka. Parmi ces régimes, évidemment, celui du Zaïre du maréchal Mobutu dénommé MPR PARTI-ÉTAT. D’où le discours du 24 avril.
Les années 1990 à 1997 seront une épreuve terrible pour lui, car au cours de cette période il verra s’écrouler un à un les édifices sur lesquels il avait bâti son pouvoir : institutions de la République, administration publique – dont la Territoriale, la Diplomatie, la Magistrature, l’Armée, la Police, les Renseignements, le Portefeuille et les Médias publics – la famille politique ainsi que la société civile limitée à l’époque au patronat, au syndicat et aux médias privés), sans compter la monnaie et le recours à l’authenticité.
Ses amis occidentaux, Américains en pole position, le lâchent dans tous les sens du terme.
Toutes ses initiatives pour sortir la tête de l’eau sont vouées à l’échec avec, à la manoeuvre en interne, une opposition politique et une société civile prêtes à en découdre avec lui et en externe des gouvernements et des multinationales déterminées à l’éliminer de la scène politique. Échec de la tentative de substituer une Conférence Constitutionnelle à la Conférence nationale souveraine. Échec des Accords du Palais du Peuple 1 et 2. Dédoublement de la CNS avec le Conclave politique de Kinshasa. Troisième voie…
« ZAÏRE NO ETAT OU ETAT NÉANT »
Pour l’histoire encore, deux ou trois mois avant la guerre de l’Afdl déclenchée en octobre 1996, la presse kinoise se retrouve avec un document sans en-tête ni date. Un tract avec cependant un titre racoleur : « ZAÏRE NO ETAT » ou « ZAÏRE : ETAT NÉANT ».
Son contenu ? Nécessité de procéder au démembrement du pays en rattachant certaines provinces de l’Est à des États voisins. Autant dire « balkanisation ».
Déjà, à l’époque, l’Ituri – pourtant district de L’Orientale pressenti comme province – est rattaché à l’Ouganda ; le Nord-Kivu respectivement à l’Ouganda et au Rwanda, le Sud à la fois au Rwanda et au Burundi tandis que le Tanganyika – district du Katanga à l’époque et pressenti également province – au Burundi et à la Tanzanie. La rumeur attribue ce document à la CIA !
La vérité et la réalité font qu’aujourd’hui, comme relevé dans la chronique n°25-004 publiée le 29 avril 2025, l’Ituri, le Nord Kivu, le Sud Kivu et le Tanganyika survivent grâce aux « relations frontalières » avec l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi et la Tanzanie. Faute de routes et de chemins de fer, ces provinces ne commercent pas véritablement avec d’autres provinces du pays. Ce qui a été décrit dans ce document séditieux se réalise sous nos yeux. Car un malheur ne venant pas seul, la guerre de l’Afdl partie de l’Est est rentrée à l’Est où elle se caractérise par une fécondité inouïe, donnant naissance tour à tour au Rcd, au Rcd-Kml, au Rcd-N, au Cndp et au M23. Elle n’a plus quitté cette partie du pays où pullulent près de 250 groupes armés. Dont, désormais, les fameux Wazalendo.
(A SUIVRE)
Omer Nsongo die Lema
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