Le procès très médiatisé du projet agro-industriel de Bukanga-Lonzo connaît un tournant décisif ce mercredi, avec l’annonce attendue du verdict par la Cour constitutionnelle. À la barre, trois personnalités : l’ancien Premier Ministre Augustin Matata Ponyo, l’ex-gouverneur de la Banque Centrale du Congo Déogratias Mutombo, et l’homme d’affaires sud-africain Christo Grobler, tous accusés de détournement de plus de 285 millions de dollars.
Mais bien au-delà des faits judiciaires, ce procès met en lumière une profonde fracture entre les institutions du pays. Le bureau de l’Assemblée nationale a récemment dénoncé une procédure entachée d’irrégularités. Vital Kamerhe, président de la chambre basse du Parlement, a rappelé que « tout député national bénéficie d’une immunité parlementaire » et a critiqué le président de la Cour constitutionnelle, Dieudonné Kamuleta, pour ne pas avoir demandé officiellement la levée de l’immunité de Matata Ponyo.
Du côté de la défense, l’ancien chef du gouvernement crie à la persécution politique. « Je suis victime d’un acharnement orchestré par un pouvoir qui instrumentalise la justice », a affirmé Matata Ponyo. Il lie cette poursuite judiciaire à son refus de rallier l’Union sacrée de la Nation, coalition politique pilotée par le président Félix Tshisekedi.
Le procès, qui s’est ouvert dans un climat déjà tendu, a été marqué par des audiences techniques et un réquisitoire lourd. Le procureur général avait requis dix ans de travaux forcés contre les trois prévenus, assortis d’une inéligibilité de dix ans pour Matata, de cinq ans pour Mutombo, ainsi qu’une expulsion définitive de Christo Grobler du territoire congolais.
Ce dossier emblématique, lié à un projet présenté à l’époque comme un levier de développement agricole, est devenu un symbole du gaspillage des ressources publiques et de l’impunité. Toutefois, son traitement judiciaire soulève des inquiétudes sur l’équilibre des pouvoirs et l’indépendance de la justice congolaise.
En coulisses, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer un procès à charge. Plusieurs acteurs de la société civile pointent du doigt une justice à double vitesse. « Pourquoi certains dossiers de corruption avancent vite et d’autres traînent dans les tiroirs ? », s’interroge un analyste politique congolais sous couvert d’anonymat.
Le verdict de ce 14 mai ne tranchera pas seulement sur la culpabilité ou l’innocence des prévenus. Il pèsera aussi sur la crédibilité des institutions congolaises, dans un contexte préélectoral où la justice est scrutée autant pour ses décisions que pour ses silences.
CB