Alors que le redécollage de Congo Airways demeure un enjeu stratégique pour la souveraineté aérienne de la RDC, une controverse de plus vient ternir l’image de la gestion publique. Cette fois, c’est le Vice-premier ministre chargé des Transports, Jean-Pierre Bemba, qui accuse publiquement la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) d’avoir fait obstacle à l’acquisition d’aéronefs destinés à renforcer la flotte nationale. Mais à y regarder de plus près, cette sortie médiatique cache mal un malaise plus profond celui de l’incohérence et du manque de rigueur dans la gestion du dossier.
Des accusations sans fondement clair
Dans une interview accordée à Top Congo FM, Jean-Pierre Bemba affirme que la CNSS n’a pas respecté une décision du Conseil des ministres censée débloquer 30 millions USD pour l’acquisition de sept avions Airbus A320. Selon lui, la CNSS aurait préféré investir de son côté dans l’aviation, plutôt que de soutenir Congo Airways. Une déclaration grave, qui laisse entendre que l’institution publique aurait agi de manière unilatérale et contraire à l’intérêt général.
Mais plusieurs éléments contredisent frontalement cette version.
Une confusion manifeste
D’abord, la chronologie évoquée par le VPM ne résiste pas à l’examen. Il fait référence à une décision du Conseil des ministres de juillet 2024, alors que le compte-rendu officiel place l’instruction relative à la CNSS au 7 août 2024, et celle-ci ne portait nullement sur l’acquisition de sept avions, mais bien sur le décaissement de 12 millions USD pour des moteurs d’avions déjà existants.
De plus, les accusations de refus de financement s’effondrent face aux faits : la CNSS, par la voix de sources proches du dossier, affirme avoir respecté les instructions de son conseil d’administration, allant même jusqu’à proposer l’achat de trois appareils pour un montant de 36 millions USD, à mettre à disposition de la compagnie nationale. Où est donc la supposée obstruction ?
Une gestion financière responsable
Il convient de rappeler que la CNSS n’est pas une caisse noire à la disposition du gouvernement. C’est une institution de sécurité sociale chargée de gérer les cotisations des travailleurs congolais. Chaque décaissement important doit être encadré légalement, validé par sa tutelle ou par le Premier ministre. C’est justement parce que Jean-Pierre Bemba a tenté de contourner cette procédure – en demandant un décaissement direct de 50 millions USD – que le blocage est survenu. Le refus de la CNSS n’est donc pas un sabotage, mais bien un acte de bonne gouvernance.
Diversification légitime des investissements
Que la CNSS investisse dans l’aérien n’a rien d’illégal ni d’improvisé. Des recommandations internationales (CIPRES, AISS) encouragent même cette diversification. Le fait que les avions acquis soient destinés à être mis à disposition de Congo Airways devrait au contraire être salué comme une contribution constructive au redressement du secteur.
Conclusion : des responsabilités à clarifier
Dans cette affaire, il est temps de recentrer le débat sur les faits et non sur des accusations non étayées. Si échec il y a dans la relance de Congo Airways, il semble résider davantage dans le manque de coordination institutionnelle et dans les prises de parole politiciennes que dans une quelconque mauvaise volonté de la CNSS.
Jean-Pierre Bemba ferait bien de revoir ses dossiers avant de chercher des coupables ailleurs.
Baromètre.cd