Trois jeunes officiers militaires ont successivement pris le pouvoir au Mali, en Guinée, et au Burkina Faso.
A eux est venu s’ajouter le général Tchiani qui a chassé le président Bazoum du pouvoir au Niger, suscitant des réactions en Occident et dans quelques pays d’Afrique.
II est vrai que c’est depuis bien longtemps que l’on n’a plus vu des hommes en kaki se projeter sur le devant de la scène politique en Afrique. Mais, avec l’assassinat de Muhamar Kadhafi suivie de la montée du terrorisme sur le continent, la gestion de cette délicate question par les dirigeants africains, appuyés par des armées étrangères, ne fait plus l’unanimité au sein des couches sociales, principalement dans les rangs de l’armée. Voilà pourquoi des jeunes officiers ont estimé qu’il était temps de mettre un terme à cette conception de la question sécuritaire pour imposer un nouveau paradigme plus conforme, selon eux, aux réalités du terrain.
Ainsi, mus par l’esprit panafricaniste prôné par Kwamé Nkrumah, Modibo Keita, Sékou Touré, Thomas Sankara, et Patrice Lumumba, Assimi Goita, Mamadi Doumbouya et Ibrahim Traoré ont donc pris le pouvoir dans leurs pays respectifs, pour s’opposer à ce que l’on qualifie de système néocolonialiste qui s’affirme à travers certaines organisations continentales ou sous-régionales comme l’Union africaine, la CEDEAO.
Ils tiennent ainsi des discours qui enflamment les populations, les amenant à une certaine prise en charge par elles-mêmes de leur destin.
Pour eux, les indépendances africaines vont demeurer vulnérables aussi longtemps que les dirigeants africains actuels continueront de tendre la main vers les anciennes puissances coloniales, ou les organisations financières internationales contrôlées par l’Occident.
En conséquence, ils cherchent à ce que leurs pays, et le continent africain en général, se rangent plutôt du côté des puissances économiques et militaires telles que la Russie, la Chine, l’Inde, le Brésil, qui luttent pour l’instauration d’un ordre multilatéral où les Etats pratiqueraient une sorte de solidarité internationale pour tenter d’apporter des solutions aux problèmes de développement et de la pauvreté. Tel est l’essentiel du discours délivré par le capitaine Ibrahim Traoré aux participants du récent sommet Russie-Afrique qui vient de se dérouler dans la ville russe de Saint-Pétersbourg.
L’on comprend alors tout l’enthousiasme qu’il a suscité sur le continent où certains sont allés jusqu’à le considérer comme le nouveau Thomas Sankara. Cela explique aussi que le drapeau russe flotte dans les rues et dans l’espace des pays francophones lors des manifestations populaires.
Il faut reconnaitre que les services d’intelligence occidentaux, toujours prompts à signaler toute idée « suspecte », n’avaient pas vu venir, ou négligeaient, ce mouvement panafricaniste qui vient chasser du pouvoir les partisans du statu quo.
Le fait que quelques pays membres de la CEDEAO et de l’UEMOA aient pris de lourdes sanctions contre la junte conduite par le général président Tchiani au Niger, allant jusqu’à imposer un ultimatum au-delà duquel leurs armées pourraient attaquer ce pays pour remettre Mohamed Bazoum au pouvoir, montre la panique qui s’est emparée d’eux.
Mais, cette action armée présente un double danger: celui de la désintégration de cette organisation sous-régionale que d’aucuns considèrent déjà comme acquise à la France, et de voir d’autres Etats comme le Mali, le Burkina Faso, l’Algérie et même la Mauritanie et la Libye, s’engager dans la guerre pour défendre le nouveau régime au pouvoir à Niamey. Ce serait à ce moment-là une guerre de l’Afrique contre les Africains, ce qui ouvrirait un large boulevard aux Occidentaux toujours désireux de garder leur mainmise sur le continent. Pourtant, c’est précisément cela que les uns et les autres cherchent à éviter à tout prix.
YAMAINA MANDALA